GUIDE PRATIQUE SUR LES TRANSACTIONS IMMOBILIÈRES (RÉSIDENTIELLES)

 

 

La présente série s’intéresse aux différentes étapes d’une « due diligence » immobilière portée dans le cadre d’une transaction relative à un bien immobilier résidentiel. Etant précisé que chaque « due diligence » doit être adaptée en fonction de la transaction en cause.

L’objectif d’une « due diligence » est d’identifier le bien immobilier, les réglementations applicables à celui-ci (normes de droit public, les conventions de droit privé) et les risques juridiques entourant la transaction.

Une telle « due diligence » permet d’adapter la structure de la vente immobilière en fonction des circonstances et des intentions respectives des parties.

 Le présent chapitre aborde quelques aspects de la propriété foncière. Nous exposerons notamment les types de biens immobiliers susceptibles de faire l’objet d’une transaction immobilière résidentielle, ainsi que les régimes de propriété individuelle et collective.

 

I. Les immeubles

 

Les immeubles, au sens juridique du terme, sont énumérés de manière exhaustive à l’art. 655 al. 2 CC.[1] Sont visés non seulement les biens-fonds, ainsi que certains droits liés aux immeubles tels que les droits distincts et permanents (infra B.), les mines et les parts de copropriété d’un immeuble (infra II. B, 1)[2].

 

En principe, les immeubles sont immatriculés au Registre foncier (art. 943 al. 1 CC).[3]

 

Il est possible de lier un immeuble à un autre, de sorte que l’immeuble dépendant partage nécessairement le sort de l’immeuble principal (art. 655a CC).[4]

[1] Code civil suisse (CC) du 10 décembre 1907, 210.[2] CR CC II, 1ère Édition, 2016, Steinauer, Art. 655, N. 2.[3] Ibid., N. 3.[4] Ibid., N. 4.

 

     A.Le bien-fonds (655 al. 1 CC)

 

Au sens de l’art. 655 al. 2 ch. 1 CC, un bien-fonds est une « surface de terrain ayant des limites déterminées de façon suffisante» (art. 2 let. a ORF[1]).[2]

 

En d’autres termes, dans le cadre d’un bien immobilier de type résidentiel, le bien-fonds peut notamment prendre la forme d’une villa individuelle ou d’un terrain non-bâti.

L’immatriculation du bien-fonds s’effectue par son tracé sur le plan du Registre foncier sur la base de la mensuration officielle, ainsi que par l’ouverture d’un feuillet au grand livre du Registre foncier et l’établissement de l’état descriptif du bien-fonds (art. 17 et 20 ORF). Les surfaces de terrain naturellement ou artificiellement recouvertes d’eau (lacs, étangs, rivières) peuvent aussi être immatriculées comme bien-fonds, à moins qu’il ne s’agisse d’eaux publiques au sens de l’art. 664 CC. Mais les sources et les eaux souterraines (art. 704 al. 1 et 3 CC) ne peuvent être immatriculées que comme droits distincts et permanents.[3]

Malgré la définition qu’en donne l’art. 2 let. a ORF, le bien-fonds est une réalité tridimensionnelle (un volume). Son extension horizontale est précisée par les art. 668 à 670 CC et son extension verticale, par les art. 667 et 671 à 678 CC.[4]

S’agissant de l’état de la propriété, les informations les plus importantes seront celles qui sont inscrites au Registre foncier. La « due diligence » comprend ainsi une analyse de l’extrait certifié conforme du Registre foncier avec toutes les pièces justificatives en rapport avec le bien-fonds concerné.

Par comparaison avec le droit anglais, la propriété d’un bien-fonds se rapproche du concept de « freehold ».[5]

 

     B.Les droits distincts et permanents immatriculés au Registre foncier (655 al. 3 CC)

 

Les droits distincts et permanents sont visés par l’art. 655 al. 2 ch. 2 CC. Il s’agit de servitudes immobilières définies à l’art. 655 al. 3 CC. Pour avoir la qualité d’immeubles au sens de l’art. 655 CC, ces servitudes doivent revêtir le caractère de droits distincts et permanents et être immatriculées au Registre foncier.[6]

 

Le droit distinct doit donc être cessible et transmissible, par l’effet de la loi ou d’une convention.[7] Il s’agit notamment du cas du droit de superficie, lequel permet de dissocier la propriété du sol et de celle des constructions.

 

[1] Ordonnance du Registre foncier (ORF) du 23 septembre 2011, 211.432.1. [2] CR CC II, 1ère Édition, 2016, Steinauer, Art. 655, N. 5.

[3] Ibid., N. 6. [4] Ibid., N. 7. [5] Voir: Shelter England, Home ownership types and occupation rights, 10.03.2021, disponible au lien suivant:  https://england.shelter.org.uk/professional_resources/legal/home_ownership/home_ownership_types_and_occupation_rights

[6] CR CC II, 1ère Édition, 2016, Steinauer, Art. 655, N. 8. [7] Ibid., N. 12.

 

Le droit de superficie est défini à l’art. 675 CC selon lequel les constructions et autres ouvrages établis au-dessus ou au-dessous d’un fonds, ou unis avec lui de quelque autre manière durable, peuvent avoir un propriétaire distinct, à la condition d’être inscrits comme servitude au Registre foncier (al. 1). Les divers étages d’une maison ne peuvent être l’objet d’un droit de superficie (al.2).

L’objet du droit de superficie est précisé à l’art. 779 CC, aux termes duquel un propriétaire peut établir en faveur d’un tiers une servitude lui conférant le droit d’avoir ou de faire des constructions soit sur le fonds grevé, soit au-dessous (al. 1). Sauf convention contraire, ce droit est cessible et passe aux héritiers (al. 2). Si cette servitude a le caractère d’un droit distinct et permanent, elle peut être immatriculée comme immeuble au Registre foncier (al. 3).

Le contenu et les effets du droit distinct et permanent immatriculé comme immeuble sont régis par les règles ordinaires (par ex., pour le droit de superficie, par les art. 779b ss CC). Mais en tant qu’immeuble (juridique), le droit devient en outre une nouvelle unité foncière, qui peut à son tour être grevée de droits réels limités immobiliers (par ex., d’un droit de gage ou d’une servitude foncière) ou faire l’objet d’un droit personnel annoté (par ex., d’un droit de préemption).[1]

 

Par comparaison avec le droit anglais, le droit de superficie se rapproche du concept de « leasehold ».

 

 II .Propriété individuelle vs. propriété collective

   A.Propriété individuelle

 

Le propriétaire est inscrit au Registre foncier en tant qu’unique propriétaire (art. 11 ORF).

Etant précisé que dans l’hypothèse d’un logement de famille, l’art. 169 al. 1 CC prévoit que s’agissant du logement de famille, un époux ne peut, sans le consentement exprès de son conjoint, aliéner la maison ou l’appartement familial, ni restreindre par d’autres actes juridiques les droits dont dépend le logement de la famille.

Dans les limites du volume utile, le droit du propriétaire (et des autres titulaires de droits réels sur le fonds), s’étend à tout ce qui est incorporé au sol, c’est-à-dire aux constructions, aux plantations et aux sources (art. 667 al. 2 CC). C’est énoncer le principe de l’accession, qui définit des parties intégrantes indépendamment de la réalisation des conditions générales de l’art. 642 al. 2 CC.[2]

S’agissant des constructions, le propriétaire du fonds est aussi propriétaire des constructions qui s’y trouvent conformément au principe de l’accession. Exceptionnellement, une construction peut toutefois appartenir à une autre personne. Tel peut être le cas[3] :

 

  • par l’effet de certains droits réels limités, savoir les servitudes de superficie (art. 675 CC), d’empiétement (art. 674 CC) ou de conduites (art. 676 CC) ;
  • par l’effet de l’art. 670 CC (présomption de copropriété sur les clôtures).

Par comparaison avec le droit anglais, la propriété individuelle se rapproche du concept de « sole ownership

 

[1] Ibid., N. 16. [2] Steinauer, Les droits réels – Tome II, Propriété foncière / Propriété mobilière / Généralités sur les droits réels limités / Servitudes foncières, Précis de droit Stämpli, édition 5, 2020, p. 135. [3] Ibid.

 

  1. Propriété collective

 

Il existe deux types de propriété collective en droit suisse : la copropriété (art. 646 é 651a CC) et la propriété « commune », soit la propriété dite en « main commune » (art. 652 à 654 CC). La Suisse a ainsi suivi l’exemple du Code civil allemand en consacrant les deux formes de propriété collective, et cela dès l’adoption du Code civil en 1902. Cette dualité s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui. Une importante révision, par loi du 19 décembre 1963, entrée en vigueur en 1965, a complété le régime de la copropriété et a institué la copropriété par étages.[1]

 

  1. La copropriété

 

Copropriété – règlementée aux art. 646 à 651a CC, la copropriété se caractérise comme suit :

 

  • En matière immobilière, la part de copropriété constitue un immeuble selon l’art. 655 CC. Selon l’art. 657 al. 1 CC, toute modification des quotes-parts exige la forme authentique. En principe les quotes-parts ne peuvent être modifiées, sinon par une convention à laquelle tous les copropriétaires ont adhéré.

 

  • S’agissant des actes de disposition, l’art. 648 al. 2 CC prévoit que le concours de tous est nécessaire pour les aliénations, constitutions de droits réels ou changements dans la destination de la chose, à moins qu’ils n’aient unanimement établi d’autres règles à cet égard.

 

  • En pratique, il est fréquent que deux époux optent pour le régime de la copropriété lors de l’acquisition d’un bien-fonds.

 

Par comparaison avec le droit anglais, la notion de copropriété d’un bien-fonds se rapproche du concept de « tenancy in common ».[2]

 

[1] Piotet, Copropriété et propriété commune, spécialement le droit d’aliéner et le droit au partage, Journal des Tribunaux – Droit civil, poursuite pour dettes et faillites et procédure civile – Jurisprudence fédérale, Société du Journal des Tribunaux, JdT 2015 II p.4., p. 4.

[2] Voir : Shelter England, Home ownership types and occupation rights, 10.03.2021, disponible au lien suivant: https://england.shelter.org.uk/professional_resources/legal/home_ownership/home_ownership_types_and_occupation_rights#title-4

 

Copropriété par étage – règlementée aux articles 712a à 712t CC, la copropriété par étage, fondée sur le régime de la copropriété, se caractérise comme suit :

  • La propriété par étages est une copropriété spécialement aménagée dont le droit exclusif du copropriétaire est l’élément caractéristique. Le droit exclusif du copropriétaire porte sur des parties déterminées d’un bâtiment (soit des unités d’étage) (art. 712a al. 1 CC) pour lesquelles ce dernier dispose d’un accès propre (art. 712b al. 1 CC).[1]
  • Le droit exclusif du copropriétaire comprend trois aspects nécessaires : l’utilisation exclusive de ses parties privatives, l’aménagement intérieur de ses locaux et l’administration de ses locaux qui constituent l’unité d’é[2]
  • Chaque copropriétaire peut exiger qu’un règlement d’administration et d’utilisation soit établi et mentionné au Registre foncier. Les règles de la copropriété s’appliquent à la compétence pour procéder à des actes d’administration et à des travaux de construction. (712g al. 1-2 CC).
  • Les copropriétaires contribuent aux charges communes et aux frais de l’administration commune proportionnellement à la valeur de leurs parts (art. 712h CC).
  • En pratique, le régime de copropriété par étage est appliqué aux appartements d’un bâtiment.

 

Les seules différences entre la copropriété simple et la copropriété par étage tiennent en la nature du droit de propriétaire d’étage par rapport à son droit exclusif, et au régime de l’art. 712c CC, particulièrement en ce qui touche le droit de préemption, qui ne peut y être que volontaire, et non légal comme à l’art. 682 CC pour la copropriété ordinaire sur les immeubles.[3]

 

Par comparaison avec le droit anglais, la propriété par étage se rapproche du concept de « commonhold ».[4]

[1] CR CC II, 1ère Édition, 2016, CR CC II-Amoos Piguet, Art. 712a, N. 1-2.

[2] Ibid., N. 6-11.

[3] Piotet, Copropriété et propriété commune, spécialement le droit d’aliéner et le droit au partage, Journal des Tribunaux – Droit civil, poursuite pour dettes et faillites et procédure civile – Jurisprudence fédérale, Société du Journal des Tribunaux, JdT 2015 II p.4., p. 10.

[4] Voir : https://www.gov.uk/guidance/commonhold-property

 

  1. Propriété commune

 

La propriété commune est un droit réel complet et unique conféré à plusieurs personnes, liées par une relation personnelle de communauté sur une chose, tel qu’un bien-fonds. La propriété commune confère ainsi la maîtrise juridique totale sur le bien-fonds, cette maîtrise étant exercée en commun par les membres de la communauté, les communistes. Ceux-ci ne disposent d’aucun droit réel individuel sur l’objet de la propriété commune ; il n’existe pas de quote-part dont le communiste pourrait disposer librement.[1]

En principe, l’inscription au Registre foncier doit mentionner tous les membres de la communauté en leur qualité de propriétaires (en commun), aussi bien des personnes physiques que – lorsque la communauté les admet – des personnes morales (art. 90 al. 1 let c et 51 al. 1 let. c ORF). L’inscription mentionnera en outre le rapport juridique qui fonde la communauté (art. 96 al. 3 et 51 al 3 ORF).[2]

 

[1] CR CC II, 1ère Édition, 2016, CR CC II-Kuonen, Art. 652, N. 5.

[2] Ibid., N. 61-62

 

Exemples de communautés :

 

  • Le régime matrimonial: Les époux peuvent par contrat de mariage (art. 184 CC) se soumettre au régime matrimonial de la communauté de biens (art. 181 CC).[1]

 

  • L’indivision de famille: la portée pratique de cette institution n’est aujourd’hui pas considérable. L’indivision constitue une communauté contractuelle en lien avec des biens de famille qui emporte la création d’une propriété commune des indivis sur les biens de l’indivision (art. 342 al. 1 CC).[2]

 

  • L’hoirie: Dès l’ouverture de la succession, les héritiers, légaux ou institués, forment de par la loi une communauté dont découle une propriété commune sur les biens de la succession (art. 602 al. 1 et 2 CC) à vocation temporaire.[3]

 

  • La société simple (art. 544 CO) / la société en nom collectifs (art. 557 al. 2 CO) / la société en commandite simple (art. 598 CO) : A titre d’exemple, le contrat de société simple fonde un rapport de communauté contractuel avec la conséquence qu’une propriété commune se crée entre les associés conformément à l’ 544 al. 1 CO.[4]

 

Par comparaison avec le droit anglais, la propriété en main commune se rapproche du concept de « joint tenancy ».[5]

[1] Ibid., N.14-15.

[2] Ibid., N.18.

[3] Ibid., N.19-20.

[4] Ibid., N.24-31.

[5] Voir : https://uk.practicallaw.thomsonreuters.com/7-382-5953?transitionType=Default&contextData=(sc.Default)&firstPage=true

 

Télécharger l’article en pdf 

 

 

Me David Bensimon                                                                                                                             
Associé
Rhône Avocat-e-s
Spécialiste FSA en droit de la construction et de l’immobilier

et

Me Nathalie Bréant                                                                                                                        
Collaboratrice
Rhône Avocat-e-s

Article 05.2023