Publication #1 : L’acquisition d’un bien immobilier en Suisse par une personne à l’étranger : La LFAIE

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02/02/2023
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9 min. de lecture
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      1. Génèse de la LFAIE (Lex Koller)

En 1981, le Conseil fédéral écrivait : « Les données statistiques ne permettent pas de constater un affaiblissement de la demande étrangère relative à l'acquisition d'immeubles en Suisse. On ne peut donc renoncer à l'avenir à des mesures d'ordre législatif en la matière »[1].

C’est fort de ce constat que la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE) – ayant ainsi pour vocation de prévenir l'emprise étrangère sur le territoire helvétique – a été adoptée par l’Assemblée fédérale le 16 décembre 1983.

En 1997, le domaine de l’immobilier et de la construction se trouvant dans une phase de stagnation, la LFAIE – également connue sous le nom « Lex Koller », ancien président de la Confédération – a subi un profond remaniement visant à l’assouplissement de certaines de ses dispositions faisant « obstacles aux investissements étrangers pourtant souhaitables pour l’économie suisse »[2].

     2.   Les conditions d’assujettissement au régime d’autorisation prévu par la LFAIE

L’assujettissement d’une opération d’acquisition immobilière au régime d’autorisation prévu par la LFAIE est, en principe, soumis à trois conditions cumulatives, à savoir (A) l’assujettissement selon la personne, (B) l’assujettissement selon l’assimilation du droit acquis à une acquisition immobilière et (C) l’assujettissement selon l’affectation de l’immeuble[3].

  1. À raison de la personne acquéreuse

                                           Sont assujetties à la LFAIE, les « personnes à l’étranger », soit :

  • Les ressortissants suivants n’ayant pas leur domicile légal et effectif en Suisse :
    • Les ressortissants des Etats membres de l’UE ou de l’AELE
    • Les ressortissants du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auxquels s’applique l’art. 22 ch. 2 de l’Accord du 25 février 2019 entre la Confédération suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord[4]
  • Les ressortissants d’autres états étrangers n’ayant pas le droit de s’établir en Suisse
  • Les personnes morales et les sociétés commerciales (SNC/SC) ayant leur siège à l’étranger
  • Les personnes morales et les sociétés commerciales (SNC/SC) ayant leur siège en Suisse, mais sous domination étrangère
  • Les personnes physiques ainsi que les personnes morales et les sociétés commerciales (SNC/SC) n’étant pas des « personnes à l’étranger », lorsqu’elles acquièrent un immeuble pour le compte de « personnes à l’étranger »

                                             Ne sont pas assujettis à la LFAIE :

  • Les ressortissants suisses (binationaux également) domiciliés en Suisse ou à l’étranger
  • Les ressortissants de l’UE/AELE domiciliés en Suisse (permis B ou C) et les ressortissants du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ayant acquis leur domicile en Suisse avant le 1er janvier 2021
  • Les ressortissants d’autres Etats, domiciliés en Suisse et titulaires d’un permis d’établissement C
  • Les personnes morales et les sociétés commerciales (SNC/SC) ayant leur siège en Suisse et contrôlées par des personnes domiciliées en Suisse.

[1] Message du Conseil fédéral relatif à une loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger et à l'initiative populaire « contre le bradage du sol national » du 16 septembre 1981, FF 1981 III, p. 554.

[2] Message du Conseil fédéral sur des mesures spécifiques de politique conjoncturelle visant à maintenir la qualité des infrastructures publiques, à promouvoir les investissements privés dans le domaine de l'énergie (programme d'investissement) et à libéraliser les investissements étrangers du 26 mars 1997, FF 1997 II, p. 1117.

[3] Acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger – Aide-mémoire, Office fédéral de la justice (OFJ), Berne, Etat au 12.05.2021.

[4] RS 0.142.113.672; FF 2020, p. 1041.

B. À raison de l’assimilation de l’opération concernée à une acquisition immobilière

La LFAIE assimile un grand nombre d’opérations juridiques à une acquisition immobilière stricto sensu.

L’article 4 LFAIE et l’article 1 de l’ordonnance d’application (OAIE) englobent, en effet, tant la propriété juridique que la maîtrise économique d’un bien immobilier[5].

Sont notamment appréhendées les situations suivantes les plus fréquentes :

  • L’acquisition d’un droit de propriété, de superficie, d’habitation ou d’usufruit sur un immeuble
  • L’acquisition d’actions d’une société immobilière
  • La constitution et l’exercice d’un droit de préemption, d’emption ou de réméré
  • L’acquisition d’autres droits conférant à leur titulaire une position analogue à celle du propriétaire d’un immeuble, soit en particulier l’obtention d’une promesse d’achat-vente

B.   À raison de l’affectation de l’immeuble à acquérir

Le tableau ci-après illustre les situations les plus fréquentes :

[5] Directives d’interprétation concernant la LFAIE, République et canton de Genève - Département de la sécurité, de la population et de la santé (DSPS), 2021, p. 11.

        3. Casuistique : De la participation étrangère décisive dans le cadre d’une acquisition souhaitée par une Suissesse

Madame A., de nationalité Suisse, désirait acquérir deux immeubles sis dans le canton de Fribourg.

Madame A. est domiciliée à Dubaï (EAU) avec son mari, Monsieur B., ressortissant anglais.

Les modalités de financement inscrites au sein du projet de contrat d’acquisition étaient les suivantes :

  • Prix d’achat : CHF 1'660'000.-
  • Prêt bancaire : CHF 1'155'000.-
  • Fonds propres de Mme A. : CHF 100'000.-
  • Fonds propres de M. B. : CHF 405'000.-

En mai 2015, l’autorité compétente cantonale en matière de LFAIE a confirmé à Madame A. que son projet d’acquisition ne tombait pas dans le champ d’application de la loi. Le Tribunal administratif fribourgeois, statuant sur un recours de l’Office fédéral de la justice (OFJ), a approuvé la décision de l’autorité administrative. L’OJF dépose un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.

La question essentielle que notre Haute Cour a examinée dans son arrêt[6] est la suivante : la participation financière de Monsieur B. (« personne à l’étranger ») à l'opération immobilière concernée est-elle propre à conférer à celui-ci une position analogue à celle d'un propriétaire, entrainant in fine un assujettissement du projet d’acquisition à la LFAIE ?

Au préalable, le Tribunal fédéral a rappelé sa jurisprudence selon laquelle le financement de l'acquisition d'un bien-fonds grâce à un crédit étranger, garanti par gage immobilier, ne tombe généralement pas sous le coup de l’art. 4 al. 1 let. g LFAIE (assujettissement objectif par l’acquisition d’autres droits conférant à leur titulaire une position analogue à celle du propriétaire) lorsque le crédit étranger demeure dans la limite des deux tiers de la valeur vénale de l’immeuble ou 80% ou plus.

En l’occurrence, les fonds propres apportés par Monsieur B. (environ 24% du prix de vente) ne suffisent pas à établir un cas d’application de l’art. 4 al. 1 let. g LFAIE.

En revanche, les juges de Mon-Repos ont estimé – à teneur des faits retenus par le Tribunal administratif fribourgeois – que le prêt bancaire était fondé exclusivement sur le revenu de Monsieur B., ce qui signifie que sans l’aide directe et indirecte de ce dernier (fonds propres investis et participation décisive dans la relation contractuelle avec la banque ayant permis l’octroi du prêt), Madame A. n’aurait pas la possibilité d’acquérir les deux immeubles en question.

Partant, selon le Tribunal fédéral, la participation étrangère de Monsieur B. au financement (environ 94%) dépassait largement la limite des deux tiers ou de 80% de la valeur vénale de l’immeuble, tolérée par la jurisprudence fédérale, assujettissant en définitive la transaction à la Lex Koller.

     4.  Casuistique : Logement de vacances – Convoiter avec prudence

Dans certains cantons disposant d’un contingent d’autorisations, tels que le canton des Grisons, il est possible pour une « personne à l’étranger » assujettie à la LFAIE d’acquérir un logement de vacances, moyennant le respect de certaines conditions.

Dans un arrêt non publié au Recueil officiel[2], le Tribunal fédéral s’est penché sur un recours en matière de droit public interjeté par l’Office fédéral de la justice à la suite d’une autorisation délivrée à une citoyenne allemande, domiciliée en Allemagne, portant sur l’acquisition d’une villa de vacances, dont la surface nette de plancher habitable était de 246,9 m2.

Selon l’art. 12 let. b LFAIE, l’autorisation est refusée lorsque la surface de l’immeuble est supérieure à ce qu’exige l’affectation de celui-ci. À teneur de l’art. 10 al. 2 OAIE, la surface habitable des logements de vacances ne doit en règle générale pas dépasser 200 m2.

Notre Haute Cour a rappelé, à cette occasion, sa jurisprudence en soulignant que l’acquéreur doit prouver que l’utilisation de l’immeuble nécessite une surface supérieure à 200 m2, compte tenu de sa situation et de ses besoins. Le besoin supplémentaire peut résulter du nombre de personnes qui utilisent le logement. À cet égard, le cercle de personnes susceptibles d’utiliser le logement doit être analysé de manière large et ne se limite pas au conjoint de l’acquéreur et à leurs enfants mineurs.

Dans le cas d’espèce, les Juges de Mon-Repos n’ont pas suivi l’instance précédente qui concluait que le besoin supplémentaire était suffisant, du simple fait que l’acquéreuse âgée de 20 ans passerait probablement ses vacances dans le logement avec ses parents et deux frères.

Le Tribunal fédéral a, en effet, jugé que l’affirmation de l’acquéreuse consistant à dire qu’elle utiliserait l’immeuble avec sa famille, sans apporter la preuve de récentes vacances en compagnie de celle-ci, ne rend nullement vraisemblable le besoin complémentaire permettant de déroger à la limite de surface fixée par la loi.

     5. Conclusion

L’acquisition directe ou indirecte de biens immobiliers résidentiels par des « personnes à l’étranger » est soumise à des conditions strictes en vertu de la Lex Koller.

Il en va, en revanche, autrement des immeubles commerciaux qui peuvent généralement être librement acquis par des « personnes à l’étranger ».

La LFAIE étant une loi complexe et regorgeant d’exceptions, il s’avère souvent nécessaire de mandater un spécialiste en la matière (avocats, notaires), a fortiori lorsque l’opération d’acquisition envisagée s’effectue indirectement par le biais de véhicules sophistiqués (sociétés anonymes, placements collectifs de capitaux, fondations de placement et trusts).

Le risque de sanctions administratives et pénales doit également être pleinement appréhendé lors de l’analyse de la légalité de l’opération projetée.

[6] ATF 142 II 481 ; Grell Boris, Financement d’immeuble et Lex Koller in TREX 2017, pp. 168ss.

[7] Arrêt du TF 2C_947/2018 du 10 août 2020 in Not@lex 2021 pp. 45ss.

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La LFAIE en bref, un article rédigé par :

David Bensimon                                                                                                                             
Associé
Rhône Avocat-e-s
Spécialiste FSA en droit de la construction et de l'immobilier

et

Emile Branca                                                                                                                          
Avocat-stagiaire
Rhône Avocat-e-s

Article LFAIE 02.2023

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